Veillez et priez en tout temps !
Cette injonction évangélique semble devenue une de ces ritournelles auxquelles on ne prête plus guère attention, une parole d’amabilité bien-pensante comme : « Soyez sages et amusez-vous bien ! » Elle prend rang parmi les marronniers de novembre, faisant un aller au 33e dimanche et son retour au 1er de l’Avent. Il faut bien s’en expliquer un peu ces jours-là, ensuite on s’empresse de l’oublier pour le reste de l’année liturgique.
Ce qui en émousse la pointe est d’abord un simple malentendu de langage : on comprend « tout le temps » au lieu de « en tout temps ». Comme il faut bien dormir et travailler, l’idée de veiller et prier « tout le temps » ne peut s’entendre que comme une hyperbole dévote ou une formule cryptée. Elle passe donc dans un cas pour insignifiante parce qu’excessive, et dans l’autre pour décourageante parce que trop compliquée.
L’évangile aussi, en ces jours, nous décourage : ces annonces de catastrophes apocalyptiques nous semblent désuètes ou dangereuses et nous pouvons être tentés de les noyer sous de bonnes paroles plus paisibles. Mais voyez comme la comparaison du figuier fait contrepoint aux grands signes cosmiques : ceux-ci pointent vers la passion du Christ et les persécutions de ses disciples, celle-là vers sa résurrection et la croissance de l’Église.
Veiller et prier en tout temps signifie se rendre disponible à la grâce nécessaire pour vivre chaque étape de notre vie et de l’histoire, selon la manière dont elle s’ordonne à la révélation du salut en Jésus Christ. Dans l’angoisse et l’épreuve, il faut crier vers le ciel et tenir bon dans l’espérance, au temps des développements heureux, il convient de rendre grâce et de servir généreusement le corps entier, chacun humblement à son poste.
Voyez le temps que nous vivons : d’un côté les chiffres alarmants se succèdent qui disent le déclin de notre Église en bien des lieux. De l’autre, mille pousses nouvelles, enfants, jeunes adultes, groupes, services et commu-nautés, déploient la tendresse de Dieu aux yeux des hommes qui cherchent le salut. Ne rivalisons pas de prétentions en la matière, unissons plutôt nos efforts pour être dignes du Fils de l’homme qui rassemble ses élus.
Marc Lambret, curé