LE VIN NOUVEAU DE LA VIE

Arrêtons-nous sur une seule précision que donne saint Jean dans ce récit des noces de Cana :  « il y avait là six cuves de pierre pour les ablutions rituelles des Juifs ; chacune contenait environ cent litres. » Dans l’Antiquité, on conservait le vin dans des outres de peau ou dans des amphores de terre cuite.  Or, dans notre récit, il ne s’agit pas de ces amphores-là.  Il s’agit de cruches ou de cuves en pierre destinées à contenir uniquement de l’eau.  Cette eau servait aux ablutions rituelles des Juifs, qui avaient été prévues par la Loi, et avaient été largement développées par la tradition. Saint Marc a conservé des détails sur cette tradition : « Tous les Juifs ne mangent pas sans s’être soigneusement lavé les mains, conformément à la tradition des anciens ; ils ne mangent pas au retour de la place publique avant de s’être aspergés d’eau, et il y a beaucoup d’autres pratiques qu’ils observent par tradition :  lavage de coupes, de cruches et de plats d’airains. »  Les cuves en question, à Cana, servaient à cet usage très précis.

L’eau de ces cuves devait donc permettre d’obéir à la Loi.  Or, Jésus vient apporter infiniment plus que la Loi.  Il ne nie pas son utilité, c’est même à partir d’elle qu’il va pouvoir agir. Il dit lui-même qu’il n’est pas venu abolir, mais accomplir la Loi. Cet accomplissement est en réalité une véritable transformation, comme la fleur qui se transforme en fruit.  L’eau des ablutions légales ne pouvait donner qu’une pureté extérieure.  Le vin offert par Jésus symbolise le vin nouveau qui sera bu dans le Royaume.  Il préfigure déjà le vin eucharistique, le sang de Jésus, l’Alliance nouvelle qui, seule, donne vraiment la vie éternelle.

De plus, ce n’est pas pour rien que Jésus accomplit son premier « signe » à l’occasion d’une noce.  Pour saint Jean, les miracles de Jésus sont toujours des signes qui renvoient à une réalité plus profonde.  Dès le début de son ministère, Jésus entrevoit le but final de sa venue parmi les hommes, quand seront consommées définitivement les « noces de l’Agneau », quand il scellera son union avec l’humanité jusque dans la mort, quand il versera son sang pour la multitude.

C’est une tentation constante, dans l’Église aussi, de s’enfermer dans la Loi, qui rassure et sclérose tout à la fois.  Jésus nous conduit, aujourd’hui, au-delà de cette tentation.  Il nous invite à entrer dans le mystère de son union avec lui, pour que nous buvions le vin nouveau qui nous donne la joie du Royaume.

Père Joseph HUNT