DEUX POIDS DEUX MESURES
Vous avez vu comment sont les gens ? Il suffit d’une circonstance particulière pour qu’ils commencent à médire, à juger et à critiquer. Cet épisode de la vie de Jésus (Luc 7,36-8,3) en est le plus parfait exemple. Car finalement qu’est ce qu’il y peut, lui, si cette femme, qu’on nous dit être « pécheresse » s’approche de lui et lui lave les pieds ? Il n’en faut pourtant pas plus pour que les autres personnes présentes au repas mettent en doute le fait qu’il soit aussi saint qu’il le prétende. Il suffit en général d’un petit rien pour tout faire basculer, pour déterminer l’opinion que l’on se fait d’une personne.
Jésus met Simon et la femme dans le même bateau, ils se ressemblent à une différence fondamentale prêt. La femme, elle, sait ce qu’elle doit alors que Simon se comporte comme s’il ne le savait pas. Il y a en fait deux manières de vivre, aujourd’hui comme hier. Celle qui consiste à se croire bon et celle qui consiste à se croire mauvais. On oscille toujours entre les deux et l’on sait bien qu’on est tous un peu des deux. Qu’est ce qui est bien, qu’est ce qui est mal ? La femme et Simon dans notre histoire ne se posent pas cette question, ils en connaissent la réponse. La femme est écrasée par sa faute, Simon est aveuglé par ce qu’il croit être son innocence. Et ce que Jésus dit c’est qu’il n’y a justement pas d’innocent. Personne ne peut prétendre être bon, à toujours faire le bien, toujours être juste aux yeux de Dieu et des hommes. Et, à l’inverse, il dit aussi qu’il n’y a pas de faute qui ne puisse être pardonnée, pas de culpabilité qui ne puisse être soulagée si pour le moins on se révèle prêt à la reconnaître et à s’en débarrasser.
Il y a quelque chose de terrible dans cette phrase « celui à qui l’on pardonne peu aime peu ». Terrible par ce qu’elle exprime d’inconscience : celui qui se croit bon ne peut que regarder les autres du haut de sa bonne conscience, se poser en juge des autres. Terrible aussi par le triste constat de la réciprocité. Ceux qui sont incapables de pardonner sont souvent les mê-mes à qui l’on n’a jamais rien passé, à qui rien jamais n’a été pardonné. Laissant Simon à ses pensées, Jésus s’adresse à la femme et lui dit cette phrase magnifique « Ta foi t’a sauvée,
va en paix ». C’est parce qu’elle sait avoir été aimée, qu’elle peut à son tour aimer. L’amour qu’elle montre est comme la preuve du pardon, il vient après comme si l’on ne pouvait pas vraiment aimer aussi longtemps qu’on traîne avec soi le fardeau de la culpabilité, de la faute envers soi-même, envers autrui, envers Dieu. Acceptons le pardon de Dieu pour mieux aimer Dieu et nos frères.
Père Jean-Luc MICHAUD