Edito du dimanche 9 novembre 2014

DIEU HORS LES MURS

Jésus vient d’appeler ses disciples qui, en bons Juifs qu’ils étaient, avaient pour le Temple une admiration et un respect sans borne. Ils vanteront d’ailleurs le bel édifice auprès de Jésus, qui leur répondra sans ménagement que de la magni-fique construction, orgueil de tout un peuple, il ne restera pas pierre sur pierre (cf. Mt 24, Mc 13, Lc 21).

Nous sommes au début de l’évangile de Jean. Jésus, si j’ose dire, commence très fort : avant même d’avoir enseigné quoi que ce soit, il annonce un changement radical de la relation entre l’homme et Dieu. Car Dieu était, en quelque sorte, prisonnier du Temple et de sa mécanique religieuse bien rôdée. Le Temple était plus qu’un lieu de prière : il était le cœur de la nation juive, et ses autorités religieuses étaient toutes-puissantes. L’accès au Temple n’était d’ailleurs pas égal pour tous, femmes et non-juifs étant marginalisés. Tout cela se déroulait sur fond d’activité commerciale bien huilée : il fallait vendre des animaux pour les sacrifices, et il fallait donc changer la monnaie, puisque la monnaie romaine et celles des nations étaient impures aux yeux de la Loi. Les affaires marchaient bien, merci. Offrandes et dons affluaient (cf. Lc 21).

Bref, Dieu était certes honoré, mais il était surtout tenu à l’écart du monde des hommes : Le monde de Dieu, c’était le ciel et le Temple ; on aurait pu écrire sur le fronton du Temple la phrase de Prévert : « notre Père qui êtes aux cieux, restez-y ». Pendant ce temps, on pouvait en toute tranquillité s’occu-per de choses sérieuses : le pouvoir, le commerce, l’argent…

En nettoyant le Temple, Jésus inaugure un monde nouveau où l’expérience de Dieu n’est plus enfermée entre quatre murs. Détruisez ce Temple et en trois jours je le relèverai… Le Temple dont il parlait, c’était son corps. Deux chapitres plus tard dans le même évangile de Jean, Jésus dira à la Sama-ritaine : l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père ; les véritables ado-rateurs adoreront le Père en esprit et vérité (cf. Jn 4). Jusqu’alors on bâtissait des lieux où rencontrer Dieu et obtenir ses faveurs. Désormais, c’est en Jésus que Dieu se fait présent. Désormais, c’est le monde entier qui est le rendez-vous de Dieu et de l’homme. Désormais, Dieu est hors les murs… et donc accessible à tous.

Père Philippe Bernard