Le dimanche 18 février 2024 – 1er dimanche du Carême
Après son baptême, qu’a fait Jésus, rempli d’Esprit Saint ? Il est allé au désert sous la conduite de l’Esprit pour être tenté. C’est bizarre. Nous pensons souvent que si nous recevons plein de grâces, que si nous sommes très proches de Dieu, il n’y aura plus du tout ou moins de tentation ou de souffrance. Mais dans cet Evangile, que Jésus soit tenté par le diable était la volonté de Dieu. Nous trouvons ici un paradoxe. Il est important de connaître ce paradoxe parce que tout ce que Jésus a fait sur la terre, c’est pour nous, et c’est un exemple pour que nous le suivons.
Dieu ne peut pas être tenté par le diable. C’est impossible. Jésus a pu être tenté parce qu’il est venu dans la chair et qu’il a voulu accomplir le dessein de Dieu en tant qu’homme, en tant que notre frère. En tant que Dieu, Il est tout puissant mais en tant qu’homme, comme nous, il peut être tenté. Il sait ce qu’est la tentation. C’est pourquoi il peut nous comprendre et c’est pourquoi nous pouvons nous confier en lui ! Il est tenté mais il n’a pas commis le péché. La seule différence entre nous et Jésus (en tant qu’homme), c’est cela. Il nous montre ainsi comment on peut vaincre le péché. S’il était aussi pécheur, il n’aurait pas pu devenir notre espérance et notre exemple.
Le tentateur est le spécialiste pour faire tomber les hommes. Le moment choisi pour les tentations est excellent. Jésus a fait des expériences toutes particulières au Jourdain. Quand il est baptisé, le ciel est ouvert, et l’Esprit Saint descend sur lui ; et la voix du Père se fait entendre : « Tu es mon Fils ! » Pour un homme ordinaire, s’il a des expériences comme celles-ci, il est difficile de s’abaisser. Le tentateur vient alors, à ce moment-là, en lui disant : « si tu es Fils de Dieu… fais cela ». Et l’homme résiste mal à cette tentation parce qu’il veut se montrer grand devant tous !
Jésus, Lui est si humble. En tant que Fils de Dieu, j’aurais pu punir ou chasser le diable en montrant toute la puissance de Dieu. Mais Jésus a bien compris sa mission. Il est venu en tant que serviteur de Dieu, en s’abaissant. Il veut faire monter tous les hommes jusqu’au ciel ! C’est pourquoi Jésus a combattu le diable seulement par la Parole de Dieu. Il a combattu en tant qu’homme qui suit l’Esprit Saint comme nous.
La vie chrétienne, c’est le combat spirituel. Il n’y a aucun moment de sécurité complète sur la terre. Le tentateur murmure : « si tu es Fils de Dieu… » « si tu es un adulte… prie seulement quand il y a une épreuve vraiment difficile ! » « Mais les autres moments, tu n’as pas besoin d’aide de Dieu. » C’est vrai ? Le tentateur murmure toujours la même chose. Au commencement, le serpent a murmuré « si tu manges ce fruit, tu deviendras comme Dieu ! » : Il veut que nous ne nous confiions plus en Dieu mais en nous-mêmes ! Même si je suis rempli d’Esprit Saint, il y a toujours combat. Le seul moyen de vaincre, c’est l’humilité. C’est-à-dire ne pas croire en soi-même mais se confier dans le Seigneur comme un enfant.
Je voudrais à ce propos parler un peu de mon expérience en France : pourquoi Dieu m’a fait passer toutes ces années en France ? Il me semble que c’est parce qu’il voulait que je sois plus humble. J’ai été formé dans un séminaire en Corée pendant quatre ans et en France, j’en suis déjà à la treizième année. En Corée, j’étais quelqu’un qui, bien que prétendant être humble, était en réalité arrogant. Ce n’était pas que je cherchais volontairement à être arrogant, mais l’humilité ne venait pas naturellement pour moi. J’avais fait de bonnes études en Corée et j’avais eu de nombreuses expériences spirituelles, ce qui me faisait me sentir très spécial et différent des autres séminaristes. Bien sûr, j’essayais de réprimer ces pensées, mais je n’ai jamais vraiment réussi à m’en libérer.
Cependant, lorsque j’ai été envoyé par mon évêque ici, où je ne pouvais même pas dire un mot en français, j’ai compris que tout le sentiment de supériorité que j’avais ressenti en Corée venait de l’affection et du respect des fidèles envers les séminaristes et les prêtres. Lorsque tout ce qui me faisait briller, que ce soit les fidèles autour de moi ou les bénédictions de Dieu, m’a été retiré, j’ai réalisé à quel point j’étais faible, impuissant et insignifiant. J’avais la lumière en moi, mais cette lumière ne venait pas de moi. Elle venait des gens qui m’aiment et prient pour moi. En perdant tout cela, j’ai découvert ma propre misère.
J’avais même des difficultés pour passer du temps avec les fidèles car je craignais de dire quelque chose de faux en raison de ma mauvaise maîtrise de la langue. Lorsque je suis devenu prêtre et que j’ai dû prêcher, cela devenait souvent très difficile. Ces expériences de ma propre faiblesse m’ont fait me demander comment je pouvais prêcher à ces gens qui sont mieux que moi, et dans ces moments-là, je priais encore plus ardemment avant la messe : « Seigneur, ne vois pas mes péchés et mon indignité mais vois tes enfants qui viennent à ta messe et préside ta messe à travers cet instrument inutile que je suis. » Et souvent après l’homélie, j’avais honte en raison de toutes les paroles que je venais de dire aux fidèles ; alors, j’essayais de chasser toutes ces pensées pour que je puisse me concentrer sur la suite de la messe.
Mais la prise de conscience de ma propre faiblesse a été le moteur qui m’a poussé à prier Dieu. En raison de ma faiblesse, je priais pour que l’Esprit Saint m’inspire lors de la confession, et avant chaque messe, je priais pour que le Seigneur et l’Esprit Saint président cette messe à travers moi qui suis pécheur et répandent leurs grâces sur tous. Parce que je suis faible, j’ai pu prier le Tout-Puissant, et mes prières ont toujours été exaucées. Je me sentais impuissant, mais je voyais des gens sortir de la messe et de la confession, rayonnants de grâce et de joie, et je ressentais la présence et l’amour du Seigneur.
Cela fait neuf ans que je suis prêtre, et j’ai passé huit ans dans cette paroisse. Mais je regrette de ne pas avoir eu le courage de m’approcher davantage des fidèles ou de sacrifier un peu plus de mon temps pour être plus engagé dans la communauté. Je demande pardon pour mes insuffisances et pour toute blessure que j’ai pu infliger volontairement ou involontairement. J’ai vraiment aimé cette communauté, et je suis reconnaissant envers Dieu de m’avoir permis de rencontrer des âmes rayonnantes de grâce comme vous tous. Je vous remercie du fond du mon coeur. Même en retournant en Corée, je me souviendrai de vous et je prierai pour vous. Merci.