Editorial du dimanche 17 mars 2013

AIMER SANS CONDITION

Au moment où l’Église se donne un nouveau pape, tous les textes de ce dimanche nous tournent résolument vers l’avenir : « Ne songez plus au passé », dit le Seigneur dans Isaïe. « Oubliant ce qui est derrière et lancé vers l’avant, je cours vers le but », clame saint Paul. « Va, et désormais ne pèche plus » dit Jésus à la femme adultère.

Nous mettons souvent des limites et des conditions à l’amour : « Je t’aime si tu fais ce que je te dis. » Mais ce n’est pas l’autre comme autre, tel qu’il est, dans son altérité, que nous aimons ; c’est nous-même. Quelle prétention exorbitante ! Souvent nous attendons que l’autre change pour l’aimer, alors que l’autre attend que nous l’aimions pour changer. Il en est de même pour l’Église. Or Jésus n’a pas attendu que cette femme soit juste ou parfaite pour l’aimer. À ce compte, Jésus n’aurait aimé personne s’il avait attendu que les hommes soient justes et sans péché. C’est pourquoi il déclare aux Pharisiens qui se prétendent justes : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » (Jn 8,7). L’Évangile n’est pas d’abord une morale, mais une Bonne Nouvelle pour les pécheurs que nous sommes tous, plus ou moins. Jésus ne cesse de dire qu’il est venu non pour les justes mais pour les pécheurs, ou encore qu’il est « venu non pour les bien-portants, mais pour les malades ».

Jésus commence par rejoindre cette femme et par l’aimer telle qu’elle est, sans condition préalable, comme pour la Samaritaine. Il ne lui dit même pas : je t’aime si tu ne commets plus d’adultère. Non, il commence par lui manifester gratuitement son amour, et refuse de l’identifier ou de la réduire à l’acte qu’elle a commis. Ce n’est qu’après qu’il lui dit : « Va, et désormais ne pèche plus » (Jn 8,11). Il ne commence pas par lui faire la morale, comme les Pharisiens. Mais parce qu’il aime cette femme, parce qu’il sait qu’elle vaut mieux que ce qu’elle a fait, il l’appelle à renoncer à ce chemin de mort. En d’autres termes, Jésus lui dit « Parce que je t’aime, ne commets plus d’adultère ». C’est ainsi que, se sachant aimée, cette femme pourra changer de vie.

Si nous nous adressons à quelqu’un loin de l’Église en lui présentant l’Évangile comme une morale en lui disant : « Dieu t’aime si tu observes ses commandements » – ce qui n’est certes pas faux pour qui a déjà rencontré Dieu – nous risquons de mettre des limites à l’amour et au pardon de Dieu. Et nous risquons de décourager et de désespérer des personnes, voire de les condamner. Ce n’est plus alors l’Évangile de la miséricorde que nous annonçons, mais un carcan de règles morales, coupé de sa sève, servant à accuser et finalement à condamner. Si, en revanche, nous donnons à sentir par notre comportement et notre amitié – inspirés de l’Évangile de la femme adultère – que Dieu accueille cette personne d’ores et déjà telle qu’elle est, et que c’est parce qu’il l’aime sans condition que Dieu l’appelle à choisir la vie plutôt que la mort, alors nous annonçons la Bonne Nouvelle du salut. C’est l’exemple que nous attendons du Pape François qui devra relancer l’évangélisation et travailler à l’unité de l’Église, une, sainte, catholique et apostolique.

Père Jean-Luc MICHAUD