PRIEZ TOUJOURS ET PARTOUT. MAIS PRIEZ !
Si nous lisons bien l’évangile de cette semaine on ne peut que se sentir un peu mal à l’aise. Ce pharisien tout de même, il prie. Et ce publicain aussi. Lequel prie justement ? Et moi comment je prie ? Me vient alors en pensée ce que je vois tous les jours dans notre église : des gens qui viennent toucher les statues, ceux qui font lourdement tomber leurs piécettes dans les troncs pendant que je vénère Jésus sur l’autel dans leur plus complète indifférence, ceux qui remontent l’allée centrale à genoux, ceux qui écrivent leurs prières sur le socle des statues, ceux qui ne passent que pour poser une bougie, ceux qui… Mais de qui parle réellement cette parabole de Jésus ? Sans aucun doute de ceux qui sont convaincus d’être des justes, de prier juste, et qui méprisent les autres.
Dans cette religion populaire que je viens d’évoquer je pense finalement que Dieu trouve son compte. Tous ces gens ne sont peut-être pas des chrétiens « éclairés ». Ils n’ont pas lu le dernier livre de Drewermann – moi non plus d’ailleurs – , ils ne courent pas après le Dalaï Lama pour donner sens à l’Evangile – moi encore moins – , ils ne participeront peut-être pas aux modules diocésains de formation. Ils sont simplement des enfants de Dieu. Ils sont comme les foules de l’évangile. Partout où ils discernent la présence active de Dieu sur terre, ils y courent, sans retenue. À la manière de tous ces pauvres qui fonçaient sur Jésus, le pressaient de toute part, cherchant à toucher la frange de son manteau, à tel point que, pour échapper à la cohue, il devait leur parler à partir d’une barque, à quelques mètres du rivage. Et Jésus accueillait cette foi populaire, tout en l’éduquant et l’approfondissant : « Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé.»
Tous ces croyants seront peut-être incorporés dans la foule des saints que nous nous apprêtons à fêter. Ne nous trompons pas à leur sujet : ils ne sont pas d’abord des sages ou des héros, des spécialistes de la morale ou des experts en mystique. Cela, on le trouve dans les autres religions. Non ils sont une pure réponse au don que Dieu nous fait en Jésus. Par tout leur être, jusqu’à la dernière fibre de leur cœur, ils rendent témoignage à l’amour fou de Dieu, ils pointent en direction de l’Amour crucifié. Quelle prodigieuse variété dans le monde des saints ! Au départ et même parfois au terme, ils n’avaient pas toujours une nature harmonieuse ni un tempérament heureux. Mais la sainteté de Dieu et l’in-nocence du Christ vont finir par les justifier comme une grâce que seule la gloire divine peut imprimer dans une existence terrestre. Au sens le plus vrai, ils sont les seuls grands hommes de l’histoire. Et il nous appartient d’en être aussi.
Père Jean-Luc MICHAUD