J’ai besoin de toi pour prendre ma relève
De la charrue à la politique, de la vie confortable aux risques de l’aventure, de l’anonymat au succès populaire ! C’est ainsi que pourrait se résumer l’histoire de ce cultivateur aisé, appelé Élisée ou « Dieu a aidé », après sa surprenante rencontre avec Élie, « homme de Dieu », prophète découragé par l’inconduite d’un « peuple de Dieu » qui a rompu l’alliance avec Dieu, démoli ses autels et même tué ses prophètes (1 R 19,14). Mystère d’une rencontre, audace d’un appel : J’ai besoin de toi pour prendre ma relève. Et ce fut le coup de foudre. Le laboureur partagea ses biens, fit ses adieux à ses parents, « partit à la suite d’Elie et se mit à son service ». On le retrouvera plus tard conseiller militaire, actif dans les affaires intérieures du pays et dans la politique internationale. Sachant se faire écouter, il n’hésitait pas à en appeler à la Parole de Dieu chaque fois que l’institution royale était déficiente. Mystère de ces rencontres qui jalonnent notre vie quotidienne et dont une seule peut modifier toute une vie.
Point n’est besoin pour autant d’être en retraite, à l’église ou en extase. Élisée a été « saisi » la charrue à la main. Gédéon battait le blé dans le pressoir. Samuel perçut la voix de Dieu la nuit dans un rêve. Paul sur la route de Damas. Et Matthieu était tout simplement de garde au bureau des contributions. Ainsi, les appels au service fusent de tous les côtés. Non pas comme une menace pour notre liberté, mais au contraire pour nous libérer de certains esclavages et, comme dit Paul, pour se mettre par amour au service les uns des autres, « car toute la Loi atteint sa per-fection dans un seul commandement, et le voici : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » »
L’appel que Jésus adresse à tous, n’est pas une contrainte mais un choix libre, confiant et courageux. Nous avons peine à croire que la véritable et pleine liberté est de se mettre au service de Dieu et du prochain. La tendance instinctive de l’humain charnel de « se faire centre de tout en se coupant des autres tout autant que de Dieu » (Urs von Balthasar) conduit à l’asservissement de l’homme par l’homme et aux violences de tous genres. Tels que le racisme et l’intolérance dont font preuve les Samaritains envers les Juifs de passage, envers Jacques et Jean ; prisonniers de leurs rancunes et de leur esprit revanchard. On pourrait y ajouter l’esclavage du confort et des habitudes, celui de la mode et du qu’en-dira-t-on.
La vraie grande liberté, ainsi que nous le prouve Jésus, qui conduit la personne à sa plénitude est amour et service. Être libre, ce n’est pas se laisser aller aux pulsions de l’égoïsme, mais bien au contraire se libérer de leur esclavage et dire oui comme Élisée aux appels du Seigneur. « Ô Marie, aide nous à dire oui
au Seigneur, ô Marie, chaque jour de notre vie ».
Père Bénigne IKANI